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  • Olivier Payet

Suzy, un militantisme caritatif

Dernière mise à jour : 24 nov. 2022

Aujourd’hui, retraitée, Suzy mène son existence autour d'un idéal : rendre la société plus juste. Alliant son militantisme politique à ses nombreuses actions caritatives, elle endosse depuis les traits de sa lutte insatiable contre les inégalités sociales.

Suzy Viboud / Olivier Payet

Le cadre est commun, presque habituel, la rencontre elle, un peu moins. Ici, au-devant d'un rustique comptoir situé dans les alentours du centre-ville roannais, Suzy, accompagnée, me rejoint. « Comment la faire renoncer ? J'ai beau chercher, il n'y a vraiment rien », laisse sous-entendre Romain, son fils unique, quand s'aborde autour de la conversation le cas de sa mère. « Ce n'est pas une chose aisée, c'est même impossible », ajoute-t-il. Sa "Mum", comme il aime l’appeler, n’est pas de ces gens qui ont un intérêt prononcé pour l'individualisme et le fatalisme. Elle, préfère consacrer de son temps aux sans-abri et réfugiés, aux invisibles, aux marginaux, ceux délaissés par le système et le vaste monde. Parallèlement, elle, n'aime pas l'ostracisme et le défaitisme ambiants, les petites choses qui fâchent comme la précarité et l'inégalité. Tous ces préceptes qui accentuent les divisions, contre lesquelles elle milite et porte jusque dans le sillage des sphères technocrates.


 

Politiquement correct !


Cette aventure d'engagement et de valeurs, débute à quelques décennies près, aux côtés des syndicalistes, ses premiers faits d’armes. À cette époque, elle n’était encore que surveillante des écoles à Roanne, puis adopte le militantisme une fois son statut d'enseignante d'anglais atteint. « J’ai toujours associé les deux et ce n’est pas près de changer. J’avais besoin de faire partie de quelque chose qui était en accord avec mes idéaux », détaille la septuagénaire, avant d'ajouter : « Mon engagement politique résulte de mes convictions à vouloir voir mes actions se concrétiser. » Ces convictions, auxquelles elle s’accroche fermement, la conduisent à débattre sur des sujets nationaux lors des réunions municipales et départementales. Parmi les grandes questions, celle de l'énergie : « La question sur l'énergie est souvent au centre des débats, car on s’aperçoit quel est un vecteur d’inégalités sociales. Aujourd'hui, le secteur de l’énergie n’est régi que par des marchés privés et mercantiles, explique-t-elle. De nombreuses personnes se retrouvent sans électricité, ni chauffage à cause de l’instabilité des prix. » En France, un ménage est considéré en précarité énergétique lorsque ses dépenses en énergie pour son logement sont supérieures à 8 % de ses revenus. En 2021, un quart des ménages a été confronté à une difficulté à payer la facture énergétique (contre 10 % en 2019). « Le but de mon militantisme politique est que ces situations diminuent et à terme disparaissent, que les infos remontent et que des mesures à plus grande échelle soient prises. »


 

The call of street !


On peut alors penser que mêler la bureaucratie politique et le terrain est un choix contre-intuitif. Pourtant, Suzy a su parfaire cet alliage si singulier. Pour elle, ces deux aspects bien distincts sont indissociables. « L’un ne va pas sans l’autre. On ne peut mener des actions ou des engagements sans avoir une démarche politique et inversement. » C'est en partant de ce postulat, qu'elle rejoint le milieu associatif, celui venant en aide aux plus démunis. Parfois, elle porte cette action aux commandes de belles initiatives. « Nous avons réussi à mettre place plusieurs dispositifs de banques alimentaires sur Roanne, en collaboration avec la Croix-Rouge. Avant ça, la ville dépendait des Restos du Cœur, qui malheureusement se sont vu fermer durant le confinement. »


Et des événements marquants comme celui-ci, la retraitée en a pleins les poches. Appelée auprès des réfugiés, elle se remémore la venue précipitée d’une modeste famille albanaise au centre de la Croix-Rouge de Saint-Étienne, tongs enfourchées aux pieds, tee-shirts aux corps. « Ils étaient deux parents et trois filles, arrivés la veille via les services d’un passeur. L’Albanie était devenue trop dangereuse pour eux, l’une des filles avait subi des violences lors d’un kidnapping. Les tortionnaires demandaient une rançon, ils ont donc dû quitter le pays et venir ici illégalement. » En 2017, la France détenait le triste record de 86 000 refoulements, dont 17 000 mineurs. Des chiffres sans précédent qui sont la conséquence directe du rétablissement des contrôles aux frontières. Jusqu’en 2015, la moyenne annuelle se situait autour d’un maximum de 15 000 refus d’entrées. « Menacés d’expulsion sur le territoire, nous les avons accompagnés dans les démarches administratives pour qu’ils puissent rester. Maintenant, les deux parents travaillent et les trois filles sont titulaires d’un master », conclut-elle d'une voix frémissante d'espoir.


 


 

Bien que les années passent, Suzy n’en démord pas et continue de poursuivre son idéal. Après un énième appel téléphonique manqué, elle décide de mettre un terme à notre entretien. Aucun temps de répit pour les héros, pas de temps non plus pour la cape, à la longue les coutures ne tiennent plus.


Olivier Payet



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